Les coiffeurs et notre motivation
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La maîtrise de cette crise implique de nombreux facteurs imprévisibles, tels que les mutations du virus et la livraison des vaccins. Pourtant, nous avons le contrôle du facteur clé de la maîtrise de la situation : notre comportement. Certains hochements de tête récents à notre engagement d'action à la suite du comité de consultation du 5 février montrent qu'un assouplissement imprudent nuit à la motivation.
Pendant de nombreuses semaines, il a été affirmé que les relaxations n'étaient possibles que si l'on atteignait des seuils clairs (800 infections/75 hospitalisations). Dans les récentes décisions du comité de consultation, ces seuils critiques n'ont pas été pris en compte : soudain, à partir du 13 février, on pouvait à nouveau aller chez le coiffeur. Les seuils n'étaient plus mentionnés et il n'y avait aucune explication sur les raisons pour lesquelles nous pouvions nous écarter de ce plan serré. Cela a des conséquences importantes. La première conséquence est que les seuils sont devenus peu plausibles et donc difficiles à utiliser. Nous ne pouvons plus nous y référer comme un argument pour nous motiver, ni comme une ligne directrice pour justifier des décisions d'assouplissement ou de resserrement. En même temps, le message est donné que la politique détermine de manière autonome notre liberté et que les citoyens ne sont pas censés penser avec nous. Et pire encore, cela suggère que de puissants groupes de pression peuvent "arranger les choses" s'ils font bien les choses. Tous les coiffeurs et leurs clients doivent être félicités, mais il est compréhensible que dans ces circonstances, l'engagement à suivre les mesures diminue. Nous avons également constaté un flambage considérable après le précédent Comité consultatif (voir graphiques).
Une deuxième conséquence est que le lien entre notre comportement et le résultat a été découplé. Avec le deuxième verrouillage, nous avons pu réduire rapidement les coronacourbes, ce qui a renforcé notre croyance dans l'efficacité des mesures et notre sentiment de pouvoir gérer la crise. Même pendant la difficile période des fêtes de fin décembre, nous avons respecté nos mesures de manière exemplaire. Les chiffres stabilisés depuis lors ont fait naître des doutes quant à la possibilité d'atteindre notre objectif avec les mesures imposées. Avec l'assouplissement récent des règles sans tenir compte des objectifs, les hommes politiques eux-mêmes ont indiqué qu'ils ne croyaient plus en la possibilité de les atteindre. Quelques jours après la réunion du comité de consultation, la confiance dans l'efficacité des mesures a été ébranlée.
Une troisième conséquence est que l'on a l'impression que le gouvernement ne prend pas le bien-être mental au sérieux. Pour justifier l'ouverture de salons de coiffure, de thérapies faciales et de tatouages, on a fait référence à leur rôle dans notre bien-être et notre santé mentale. En effet, cette situation a longtemps été sous pression, les jeunes, les jeunes adultes et les personnes seules étant les plus touchés. Une nouvelle coupe de cheveux peut être édifiante, mais son effet sur le bien-être est extrêmement fugace. En outre, de nombreuses études montrent l'importance des liens sociaux, de l'autonomie et du développement personnel pour notre santé mentale, en particulier celle des jeunes. Que l'espace extrêmement limité de notre budget consacré aux contacts virologiques soit dépensé pour permettre des contacts étroits qui jouent un rôle douteux dans notre bien-être au lieu de répondre à des besoins essentiels n'est donc ni efficace ni défendable.
En attendant, nous laissons de côté un motif important pour les mesures, le risque d'infection perçu. Aujourd'hui, le risque perçu est aussi faible qu'il l'était en été, alors que les variantes infectieuses sont en augmentation et que le nombre de personnes hospitalisées est nettement plus élevé. Cette sous-estimation des risques a pour conséquence que nous nous sentons injustement limités par les mesures et que nous permettons à nos contacts étroits de passer à près de 4. Pour maintenir une bonne conscience des risques sans tomber dans la peur, il faut une stratégie équilibrée et durable qui engage les citoyens en tant qu'acteurs essentiels et collaboratifs. Nous sommes toujours confrontés à une tâche extrêmement difficile pour gagner la course entre les variantes qui progressent rapidement et la vaccination qui progresse lentement. Cela ne peut réussir qu'avec la coopération de personnes impliquées et motivées.
Depuis de nombreux mois, le groupe de travail "Psychologie et Corona" a insisté sur la mise en œuvre d'un schéma cohérent d'accords "si ensuite" qui rendent la situation aussi prévisible et contrôlable que possible, même dans des circonstances en constante évolution. Une étude danoise a récemment démontré l'importance de déployer tous les outils didactiques modernes (visuels, infographiques, etc.) dans de larges couches de la population pour leur permettre de réfléchir et d'agir de manière responsable. La citoyenneté n'est pas créée par un appel et encore moins par un reproche, mais exige que les conditions pour l'obtenir soient créées. Dans le même temps, les connaissances scientifiques sur la santé mentale devraient également jouer un rôle dans la détermination de l'ordre dans lequel les modifications sont apportées ou les enchevêtrements sont effectués, afin d'utiliser au mieux l'espace virologique limité. Et où se trouve un moment de couronne hebdomadaire régulier au cours duquel les hommes politiques, accompagnés d'experts, fournissent un aperçu compréhensible et inspirant de la situation, des mesures en cours ou nouvelles, de leurs effets prévus lorsque nous y adhérons ou non, de nos fluctuations motivationnelles et de leurs déterminants, ainsi que des interventions visant à soutenir l'économie et la santé mentale ? Nos données montrent que la confiance dans le gouvernement est cruciale pour l'engagement de la population envers les mesures, mais aussi pour la préparation à la vaccination et comme tampon contre le doute sur la vaccination et la pensée de conspiration.
Omer Van den Bergh - KU Leuven, Maarten Vansteenkiste - UGent, Olivier Klein - ULB, Olivier Luminet - UCLouvain, Vincent Yzerbyt - UCLouvain, membres du groupe de travail "Psychologie & Corona".